Une petite fille blonde aux joues roses regarde le peintre. Malgré un visage enfantin, elle se tient bien droite avec un air sérieux. Debout et sans bouger, l’enfant pose sagement. C’est peut-être l’hiver et elle s’apprête à sortir, car elle tient un manchon de fourrure. Sa main droite est gantée de couleur daim clair avec des manchettes en soie bleue, assorties à sa robe encombrante et fastueuse. La position des bras souligne la largeur de la jupe et complète la monumentalité de ce portrait.
Dans Les Ménines (1656-1659), c’est déjà l’infante Marguerite qui figure au centre, trois ans plus jeune que dans le portrait à la robe bleue. Le roi Philippe IV a épousé en secondes noces sa nièce Marie-Anne d’Autriche en 1649, autrefois promise à l’infant Balthasar Carlos mort en 1646. La nouvelle reine met au monde la princesse Marguerite le 12 juillet 1651. Celle-ci incarne d’abord les espoirs dynastiques des Habsbourg d’Espagne, avant que ne naissent ses frères, en novembre 1657, Felipe Prospero, puis Charles II, en novembre 1661.
Ce portrait de l’infante Marguerite est le dernier exécuté par Velázquez, alors au sommet de sa carrière. Il a été envoyé à la suite de deux autres, à son futur époux et oncle Léopold 1er d’Habsbourg. Le manchon en fourrure est peut-être un cadeau du fiancé. La princesse se tient debout de manière solennelle dans une salle du Palais royal de l’Alcázar. Derrière elle, une tenture habille le mur et un secrétaire porte des objets symboliques dont un lion en bronze doré suggérant le pouvoir royal.
La robe bleue d’apparat que porte la princesse se nomme un garde-infant. Madame de Motteville (Francois Boucher, Histoire du costume en Occident, Paris, Flammarion, 1983), décrit ce type de robe de cour espagnole à l’occasion du mariage de Louis XIV avec Marie-Thérèse d’Autriche en 1660: «Leur garde-infant était une machine à demi-ronde et monstrueuse, car il semblait que c’était plusieurs cercles de tonneau cousus dedans leur jupe, hormis que les cercles sont ronds et que leur garde-infant était aplati un peu par-devant et par-derrière et s’élargissait sur les côtés.» Ce vêtement est relié au corsage, qui habille le buste, par des basques amovibles qui s’évasent au-dessus des contours rigides et en largeur du garde-infant. Sorte de trône mobile qui assoit la majesté du personnage et lui donne l’allure d’un monument, cet élément de costume n’était pas si encombrant ni lourd à porter, si l’on en croit encore la commentatrice: «Quand elles marchaient, cette machine se haussait et se baissait…».